Résister à Amazon

Posté par tuttiquanti le 12 janvier 2014

Filippetti est montée au créneau devant le Parlement pour défendre le prix unique du livre, qui a permis à tant de librairies indépendantes et d’éditeurs de survivre. Son discours n’avait pas tout à fait la grandeur de ceux d’un Villepin dénonçant la folie de Bush et de Blair à propos de l’Irak, mais il marquera peut-être le début de la contre-offensive face aux seigneurs voleurs d’Internet. Amazon plume les consommateurs Les députés de gauche et de droite ont voté pour imposer à Amazon l’obligation de ne pas faire de remise de plus de 5 % sur les livres si la livraison est gratuite. Cela a été vivement critiqué – à l’étranger – comme le type même de « mesure débile à la française » : antimarché, protectionniste, etc. Certains libertariens américains sont allés jusqu’à la qualifier de taxe, ce qui laisse planer la menace de frappes aériennes ! Le magazine Forbes, gardien des hadith du néolibéralisme planétaire, s’est contenté d’évoquer l’irrationalité française. « Ils n’ont rien pigé à Adam Smith », a-t-il soupiré. En fait, c’est parce qu’ils comprennent très bien Adam Smith (lequel a été effaré par les monopoles français quand il a étudié en France) qu’ils ont collé à Amazon pour 252 millions de dollars [187 millions d'euros] d’impôt. De son côté, la très rationnelle Grande-Bretagne n’a facturé à Amazon pour 2012 que 2,4 millions de livres sterling [2,8 millions d'euros] d’impôt sur un chiffre d’affaires de 4,2 milliards de livres [4,9 milliards d'euros], des sommes que l’intéressé a largement récupérées sous forme de subventions. Certes, la fixation des prix est une mauvaise chose. C’est pourquoi Amazon l’a pratiquée secrètement pendant des années, jusqu’à ce que la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne [par l'intermédiaire de l'Office of Fair Trading (OFT)] l’obligent en août à autoriser ceux qui vendent sur son marketplace [plateforme de vente en ligne d'Amazon, sur laquelle tout le monde peut vendre] à pratiquer des prix inférieurs, mais seulement dans l’Union européenne (UE). Amazon continue à plumer les consommateurs aux Etats-Unis et dans le reste du monde.

Amazon – involontairement ou à dessein – est là pour nous priver d’un choix. La France a reconnu que nous étions confrontés à une nouvelle pratique commerciale, aussi infernale que celle qui broyait les vies des mineurs dans Germinal : un capitalisme Internet monopolistique, qui envahit la vie privée, fixe les prix, échappe à l’impôt, et qui dans le cas d’Amazon vise rien moins qu’à s’infiltrer dans toutes nos décisions d’achat. Amazon s’est glissé dans nos têtes et dans nos cœurs en passant par la porte ouverte de notre amour des livres et de la musique, et maintenant il retourne toute la maison comme un cambrioleur.

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